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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:31

Vous avez apprécié de voir au cinéma ce jeudi 18 février 2016

LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS

au FORUM EN VILLEE.

Alors, retrouvez le diaporama rétrospective des 16 westerns où Gary COOPER a joué, 

puis lisez les articles que Claude AZIZA a consacrés dans son

DICTIONNAIRE DU WESTERN coécrit avec J.-M. Texier aux éditions Vendémiaire,

l'un p. 52-53 à Gary Cooper,

l'autre p. 292-295, au western que nous avons revu avec tant plaisir !

 

GARY COOPER (1901-1961)

Ce fut d’abord un cavalier. À travers les matins d’un Ouest dont il dessine, dans sa filmographie, pistes et vallées, villes-frontières et grands espaces. Du grand Nord des Tuniques écarlates (Cecil B. De Mille, 1940) au Sud brûlant de Vera Cruz (Robert Aldrich, 1954), en passant par les collines du Montana, les pâturages du Wyoming, les plaines du Texas, le désert de l’Arizona.

Ce fut encore un cavalier. Dans les demi-teintes d’un Ouest crépusculaire. En proie au doute et à la peur, face à la lâcheté de ses concitoyens, à la fièvre du métal jaune, à la démence des derniers outlaws. Pour « l’homme de l’Ouest » qu’il fut toujours (film homonyme d’Antony Mann, 1958), la ville reste un lieu de corruption et de règlements de comptes. Du Train sifflera trois fois (Fred Zinnemann, 1952) à La Colline des potences (Delmer Daves, 1959).

Plus de cent films en un tiers de siècle, entre 1926 (Barbara, fille du désert, Henry King) et 1961, l’année de sa mort (La Lame nue, Michael Anderson). Dont un quart sont des westerns. Ses talents de cavalier, forgés dans son Montana natal, lui valurent, après quelques figurations, un naturel inégalé à l’écran. Frank James Cooper, devenu Gary (du nom de la ville natale de son agent, dans l’Indiana), guide au Yellowstone, puis dessinateur, incarna, dès son premier film, l’Américain tel qu’on le rêva à Hollywood, timide mais fort, peu causant mais loyal. Grand, mince, élégant, viril en diable. Capable de tout jouer avec la même aisance naturelle, les cow-boys, les séducteurs de charme¸ les aventuriers au grand cœur, les soldats au courage indomptable, les rebelles et les héros.

Comment s’étonner que dans une filmographie surabondante figurent, par ordre chronologique, les plus grands noms de Hollywood : Henry King, William Wellman, Victor Fleming, Lewis Milestone, Josef Von Sternberg, Ruben Mamoulian, Frank Borzage, Howard Hawks, Ernst Lubitsch, Henry Hathaway, Frank Capra, Cecil B. De Mille, William Wyler, Fritz Lang, King Vidor, Michael Curtiz, Raoul Walsh, Robert Aldrich, Otto Preminger, Billy Wilder, Fred Zinnemann, Delmer Daves. Et soufflons au lecteur pressé qui n’a pas eu le courage d’aller jusqu’au bout d’une nécessaire énumération le nom du seul grand absent : John Ford.

Mais revenons un peu en arrière. Nous gardons le souvenir du Gary Cooper des années d’après-guerre, du quinquagénaire au visage ridé, dans tout l’éclat d’une maturité rayonnante certes, mais d’une lumière crépusculaire. Ce fut, pour toute une génération de spectateurs, le shérif du Train sifflera trois fois (Fred Zinneman, 1952), l’officier, face aux Séminoles, des Aventures du capitaine Wyatt (Raoul Walsh, 1951), le soldat devenu espion dans La Mission du commandant Lex (André De Toth, 1952), le militaire face à la peur, dans Ceux de Cordura (Robert Rossen,1959), le médecin de La Colline des potences face au doute (Delmer Daves,1959).

Que ce soit dans les décors exotiques du Jardin du diable (Henry Hathaway, 1954) ou du Mexique en lutte contre Maximilien d’Autriche (Vera Cruz, Robert Aldrich,1954 ), face à des partenaires qui rayonnent de jeunesse et de vitalité, Richard Widmark, là, Burt Lancaster, ici. Mais on a oublié, faute de reprises, en salle ou sur le petit écran, le charme et le sourire du jeune premier de Frank Capra (L’Extraordinaire Mr. Deeds, 1936) ou de Ernst Lubitsch (La Huitième femme de Barbe-Bleue, 1938) ; l’aisance et la fougue du héros de l’Ouest de Cecil B. De Mille (Les Tuniques écarlates, Une Aventure de Buffalo Bill, 1936) ou de William Wyler (Le Cavalier du désert, 1940).Gary Cooper a été tout cela mais aussi, après Fairbanks et avant Flynn, un des héros de ce cinéma d’aventures dont Hollywood avait le secret, maintenant disparu.

Il sera tour à tour aviateur (Wings, William Wellman, 1927), légionnaire (Morocco, Josef von Sternberg, 1930), lancier (Les Trois Lanciers du Bengale, Henry Hathaway, 1935), explorateur (Les Aventures de Marco Polo, Archie Mayo, 1938). Peu importe que l’Afrique soit parfois de pacotille et la Chine d’opérette. Que le Bengale de la reine Victoria n’ait guère plus d’épaisseur historique que la Venise des doges. Gary Cooper, avant que les années de guerre ne lui donnent des rôles plus engagés, depuis la guerre civile espagnole (Pour qui sonne le glas, Sam Wood, 1943) jusqu’aux arcanes du monde de l’espionnage (Cape et poignard, Fritz Lang, 1946), Gary Cooper, donc, a été l’incarnation d’une vision naïvement impérialiste et triomphante d’une Amérique sortie de la crise de 1929. Non pas qu’il ait négligé, dans ces années-là, des sujets plus sérieux – L’Adieu aux armes de Frank Borzage (1932) et Sergent York, qui lui vaudra un premier Oscar, de Howard Hawks (1941), le prouvent amplement – mais il a trouvé son aire dans l’aventure exotique, là où son immense carcasse peut se déployer à sa guise.

Dans ces moments de grâce, quasi féériques (n’incarna-t-il pas Peter Ibbetson, dans un film homonyme de Henry Hathaway, en 1935 ?), où, malgré la montée des périls en Europe, les spectateurs, le temps suspendu, oubliaient tout, pour trois fois rien.

Claude Aziza.

 

High Noon vs. Rio Bravo

Maccarthysme et relation western/histoire

 

High Noon (Le train sifflera trois fois, Fred Zinnemann, 1952) a été produit pendant le maccarthysme et porte la trace de cette période troublée qui n’a pas épargnée Hollywood. Loin s’en faut puisque le sénateur McCarthy avait fort bien compris tout le parti qu’il pouvait tirer d’une mise en accusation de la Mecque du cinéma et notamment à travers l’utilisation de la télévision : les comparutions des stars du cinéma devant la commission étant retransmises. Le dépeçage du grand écran au profit du petit en quelque sorte... Pour les conservateurs que Hollywood-Babylone contre laquelle ils étaient partis en guerre pour imposer la censure devienne Hollywood-La Rouge, il y avait là une logique certaine : dans leur lutte contre l’Amérique, les rouges avaient sournoisement investi Hollywood pour pervertir de l’intérieur l’American Way of Life et, in fine, participer à l’enjuivement du monde (Cf. Bagatelles pour un Massacre). Avec le temps, cette référence au maccarthysme dans la genèse de High Noon comme dans son contenu, évidente pour les contemporains, ne cesse pourtant de s’estomper.

En 1951 lors de la préparation du film, Carl Foreman, le scénariste a été convoqué par The House Un-American Activities Committee (ou HUAC) comme il le rapporte lui-même :

"Pendant la fabrication du film, je reçus un petit papier rose me convoquant devant la commission et je me suis trouvé rapidement dans la situation de Gary Cooper. Mes amis m'évitaient. Quand je voulais voir quelqu'un, il n'était pas là... je n'ai plus eu qu'à transposer certains dialogues dans un cadre de western pour obtenir High Noon"[1]

Finalement seul devant la commission, il a bien reconnu avoir appartenu au PC avant et brièvement après la deuxième guerre mondiale. Mais évoquant le cinquième amendement, il a également refusé de donner des noms de camarades membres du parti, noms réclamés par la commission comme preuve de la bonne foi du prévenu. Considéré comme un "uncooperative witness" (un témoin refusant de coopérer), Carl Foreman a été inscrit sur la liste noire et n’a pas pu travailler à Hollywood pendant six ans, High Noon étant son dernier scénario. Il a même quitté les Etats-Unis pour s’installer en Grande-Bretagne avant la présentation du film au public.

Sorti fin juillet 1952 sans que Foreman apparaisse comme producteur aux côtés de Stanley Kramer[2], High noon peut être lu comme une dénonciation allégorique certes mais bien perceptible de la "chasse aux sorcières". Le scénario est bien connu : le marshal Will Kane (Gary Cooper) vient de se marier et va abandonner sa fonction pour répondre aux convictions d’Amy, sa jeune épouse Quaker (Grace Kelly), lorsqu’il apprend le retour en ville de Frank Miller (Ian McDonald), un chef de bande qui tenait la ville sous sa coupe et que Kane a arrêté et fait envoyer au pénitencier. Miller arrive par le train de midi et le marshal n’a qu’une heure trente (le temps du film !) pour trouver de l’aide auprès de la population qui se pressait à son mariage avant d’affronter Miller et ses hommes de main… Il n’en trouvera pas et devra faire face seulement aidé par sa femme qui transgressera son impératif de non-violence après qu’Helen Ramirez (Katy Jurado), la maîtresse délaissée de Kane, lui ait fait un cours express de savoir-vivre à la mode de l’Ouest[3]. Les hors-la-loi éliminés, les rues désertées de la bourgade se remplissent à nouveau. Restés chez eux prudemment durant l’affrontement entre Kane et la bande de malfaiteurs, les citoyens se pressent à nouveau autour de "leur" marshal qui les dédaigne. Kane part avec sa jeune épouse après avoir jeté son étoile au sol : le divorce entre le héros et la communauté est consommé. John Wayne considérait ce geste comme proprement anti-américain :

"It's the most un-American thing I've ever seen in my whole life. The last thing in the picture is ol'Coop putting the United States marshal's badge under his foot and stepping on it."[4]

En 1952, un-American ne sonnait pas comme une accusation anodine… Pour le public de l’époque la métaphore était transparente et la lâcheté des habitants de cette petite ville renvoyait à celle des professionnels d’Hollywood et plus largement à celle des citoyens américains qui laissaient McCarthy pratiquer sa paranoïaque chasse aux sorcières. Les spectateurs contemporains ne s'y trompèrent pas : le célèbre caricaturiste Herblock (Herbert Lawrence Block) du Washington Post dessina en marshal Kane le sénateur Ralph Edward Flanders qui menait campagne au Sénat pour censurer McCarthy.

Par un effet miroir, dès sa conception, Rio Bravo porte les marques de cette période troublée. Howard Hawks avait été choqué de voir le marshal Kane "courir la ville, comme un poulet dont a coupé la tête, en demandant de l'aide" alors qu’il était payé pour assurer l’ordre, d’autant qu’à la fin du film "pour couronner le tout, c'est finalement sa femme quaker qui devait le sauver"[5] et Hawks aurait pu rajouter : en tirant dans le dos de l’adversaire de son mari... Howard Hawks décida donc de répondre par Rio Bravo en prenant le contre-pied de ce film de gauche et en défendant sa conception des "valeurs américaines". Pour incarner le héros et faire vivre ces valeurs, son choix se porta tout naturellement sur John Wayne avec qui il avait tourné un grand succès, Red River. D’autant que John Wayne était un partisan déclaré de la lutte contre les "rouges". Avec d’autres grands d’Hollywood, il avait fondé, en 1944[6], The Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals devenue très vite The M.P.A. et dont il fut élu président en 1947. Cette Alliance se fixait comme objectif de combattre l’influence croissante dans le cinéma des “Communists, radicals, and crackpots”, des communistes, des radicaux et autres cinglés... L’idéologue libérale et membre de l’Alliance, Ayn Rand[7] rédige en 1947 un pamphlet programmatique - Screen Guide for Americans – qui exprime, en des termes moins rudes, plus policés que The Duke, le point de vue de la M.P.A. A la même époque que High Noon, John Wayne a même incarné un enquêteur de la HUAC qui fait la chasse aux communistes à Hawaï dans Big Jim McLain (Edward Ludwig, 1952) qu’il a aussi produit avec le soutien de l’HUAC. Pour un résultat affligeant selon Dennis Schwartz[8].

Dans Rio Bravo conçu comme la réponse d'hommes de l'Ouest, le shérif John T. Chance refuse le soutien que lui offre son ami, Pat Wheeler (Ward Bond, autre membre fondateur de la M.P.A.) ou Carlos (Pedro Gonzalez-Gonzalez), le petit hôtelier mexicain, car il entend s'acquitter seul d'une tâche pour laquelle il est payé et préparé après avoir été élu par ses concitoyens. La force de caractère du shérif Chance, sa détermination sans faille s’opposent aux doutes et à la faiblesse du marshal Kane. Heureusement, Rio Bravo reste avant tout un film de Hawks qui s’est bien amusé à pervertir la représentation du héros avec beaucoup d’humour et de distance. La réponse des hommes de l’Ouest surclasse de loin le laborieux western progressiste.

Très rapidement cependant, les références historiques s’estompent. Aujourd'hui, il est assez cocasse de voir High Noon considéré comme un classique du genre. The American Film Institute classe High Noon, considéré certes comme "a western for people who don't like westerns" soit un western pour ceux qui n’aiment pas les westerns, à la deuxième place des 10 plus grands westerns en juin 2008 (juste derrière The Searchers)[9]. Ce qui trahit à la fois une méconnaissance de l’histoire contemporaine des Etats-Unis mais également des codes principaux du western et, in fine, du cinéma. Car John Wayne et son ami Howard Hawks avaient bien sûr raison de considérer High Noon comme un-American : ils maîtrisaient bien leur sujet. Cette méconnaissance est très largement répandue y compris outre atlantique : le classement de l’AFI le dit bien. Au fil du temps, "To be high noon" est devenu aux USA une expression signifiant que l'on doit affronter seul une situation périlleuse. Bill Clinton considère High Noon comme son film préféré et déclare même l’avoir vu à de nombreuses reprises lors de ses deux séjours à la Maison Blanche. Quant à George W. Bush, ce gars de l’Est (il est né à New Haven dans le Connecticut : on peut difficilement faire plus à l’Est !) qui joue au cow-boy, il a fait référence à High Noon lorsque les Européens ont refusé de se joindre à sa croisade contre Saddam Hussein. Dans les pages Débats du journal Le Monde, James Woolsey, ancien dirigeant de la CIA, file la métaphore pour fustiger les réserves des Européens à l’égard de la politique extérieure américaine dans un texte intitulé : Le train sifflera encore trois fois. Se faisant menaçant, il adopte un ton viril de cow-boy pour conclure son texte par un rappel de la fin de High Noon :

"Rentrez chez vous vous occuper de vos gosses, Européens. Rentrez chez vous vous occuper de vos gosses, et puis faites vos prières pour que, lorsque tout sera fini, nous ne rendions pas notre étoile en la laissant tomber dans la poussière." [10]

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il fait montre d’une certaine légèreté. Car lorsque James Woolsey comme son mentor George W. Bush, dignes héritiers de Messieurs J. Parnell Thomas et Joseph R. McCarthy, instrumentalisent High Noon, ils trahissent leur ignorance de l’histoire et de la mythologie de leur propre pays et/ou ils comptent sur des lecteurs et des auditeurs ignares en la matière.

[1] - Carl Foreman lors d’un entretien avec Bertrand Tavernier, Positif n°102, février 1969.

[2] - Cf. Darkness at high noon : the Carl Foreman Documents. Dans ce documentaire de 2002, Lionel Chetwynd revient sur les rapports difficiles entre Carl Foreman et le producteur Stanley Kramer qui conduisirent à la disparition au générique de Foreman comme producteur. Foreman n’ayant surtout pas apprécié le manque de soutien de Kramer durant ses difficultés avec la commission et qu’il ait ensuite récupéré tout le crédit de High Noon.

[3] - “What kind of woman are you? How can you leave him like this? Does the sound of guns frighten you that much?

[4] - Cité in Judith M. Riggin, John Wayne: A Bio-Bibliographie, GreenWood Press, 1992, p.59. Traduction libre : C’est la chose la plus antiaméricaine que je n’avais jamais vu dans toute ma vie. Le film se termine par le vieux Coop qui jette à terre son étoile d’US Marshal et la piétine.

[5] - Hawks par Hawks, Joseph McBride, Paris, Ramsay, 1987, p. 187.

[6] - En 1944, alors que son pays est engagé dans la deuxième guerre mondiale, le patriote John Wayne reste sur la Côte Ouest des Etats-Unis pour préparer l’après-guerre et la lutte contre les communistes : une conscience politique très claire ! On trouve à ses côtés, entre autres, Cecil B. DeMille, Walt Disney qui ne cache pas ses sympathies pour le fascisme et même un petit acteur de second rôle : Ronald Reagan.

[7] - “The purpose of the Communists in Hollywood is not the production of political movies openly advocating Communism. Their purpose is to corrupt our moral premises by corrupting non-political movies — by introducing small, casual bits of propaganda into innocent stories — thus making people absorb the basic principles of Collectivism by indirection and implication.” En 2005, The Los Angeles Liberty Film Festival a célébré le centenaire de la naissance de la philosophe en projetant The Searchers : splendide contre-sens !

[8] - "Ozus' World Movie Reviews", 28 juillet 2008: "Pathetic anti-Communist propaganda film with a snarling John Wayne at his ugliest as a macho windbag special agent for HUAC."

[9] - et même à la 27ème des 100 plus grands films en 2007 et The Searchers est à la 12ème.

[10] - mardi 5 mars 2002, p.15.

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