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  • : Le blog de carpefeuch
  • : Cette association partie du collège Feuchères à Nîmes s'ouvre à TOUS ceux qui s'intéressent à la couleur romaine dans notre région. Nous organisons des rencontres, visites, conférences, ateliers autour de la romanité, et au nom de la convivialité antique et de son fameux "Carpe diem ! "
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1 avril 2015 3 01 /04 /avril /2015 13:24

Regardez le diaporama

qui fut proposé

en ouverture

de la conférence dans la thématique Rome et Carthage.

 

puis lisez les deux textes

que Claude Aziza propose en cécho aux deux dernières conférences, celle relative à Carthage en mars et la dernière consacrée à Salammbô.

 

 

VIE, MORT ET RÉSURRECTION DE CARTHAGE.

 

            Étrange destin dans l'imaginaire que celui de Carthage. Entre Virgile et Flaubert, entre Didon et Salammbô, entre Hannibal et Augustin. Comme si un millénaire et demi ne se résumait nécessairement qu'à trois temps forts: celui de la fondation, celui de la gloire malheureuse, celui du christianisme triomphant. Au silence archéologique de la Carthage punique martyre répondrait la richesse monumentale de la Carthage romaine resplendissante.

            Pourtant, inconnues du public, des milliers d'inscriptions puniques témoignent de la richesse de la civilisation carthaginoise. Pourtant, on trouve, çà et là, des fragments de textes comme le Périple d'Hannon, ou le Traité d'agriculture de Magon, qui laissent soupçonner l'existence d'une abondante littérature punique, confortée par le témoignage d'Augustin ("il y avait beaucoup de choses bonnes et pleines de sagesse dans les livres puniques"), que devaient contenir ces immenses bibliothèques qui croulèrent en 146 dans l'incendie romain. Quelques-unes ont peut-être survécu, ssi l'on en croit le témoignage de Pline l'Ancien, pour aller orner les palais des vainqueurs, romains ou africains. Quant à la langue punique, loin d'avoir été effacée par le latin, elle subsista si bien et si longtemps qu'Augustin, voulant citer un proverbe punique dans l'un de ses Sermons (CLVII), doit le traduire, car, dit-il, toute l'assistance ne parle pas le punique. Ce qui prouve, à tout le moins, qu'une grande partie d'entre elle le parlait …un demi-millénaire encore après la destruction de la cité !

 

DIDON OU LE TEMPS DE LA FONDATION

            Il faut, pour démêler le fil chronologique de la fondation de Carthage, faire table rase d'une belle légende. On en connaît, depuis Virgile, les principaux éléments, qu'on peut résumer à grands traits. Au IXe siècle avant l'ère chrétienne, une querelle dynastique oppose, sur le trône de Tyr, Pygmalion et sa sœur Elissa, qui doit s'enfuir. Avec une faible escorte, qu'elle fortifie à Chypre, après un long périple, elle s'installe en Afrique et fonde Carthage. Ses errances lui auraient alors fait donner le nom grec de Didon, "l'errante", "la vagabonde". Deux éléments se détachent alors de ce récit de fondation. Le premier tente d'expliquer le nom de la citadelle punique, noyau de la future cité: Byrsa, bursa signifiant en grec la "peau de bœuf". Il proviendrait d'une ruse de la jeune reine face à l'ironique dédain des autochtones qui n'acceptent de lui céder qu'autant de terre que  couvrira la peau d'un bœuf. Peau que la rusée souveraine fera découper en lanières très fines, de façon à circonscrire un espace qu'un commentateur de Virgile, Servius, évaluera à quatre kilomètres. Second élément, qui aura une longue carrière, le refus de Didon de céder aux avances du roi des Libyens, Hiarbas, au point de se sacrifier pour ne pas compromettre l'avenir de la jeune cité. Certains expliquent ce refus par la fidélité à un mari assassiné par Pygmalion. Virgile fera de cette mort tragique l'acte désespéré d'une amante trahie. On conviendra que c'est plus romanesque …

            Cette fondation est fixée généralement en 814. Mais d'aucuns avancent 824 ou 819, et les traditions carthaginoises la faisaient remonter plus haut, une vingtaine d'années avant la chute de Troie qu'on fixait arbitrairement à 1194. On donnait même les noms des héros fondateurs, Zôros (ou Azoros) et Karkhédon. On peut penser que le nom du premier dérive du nom de Tyr (en phénicien, Sôr ou Sur, le "roc"). Quant à Karkhédon, il est transparent, puisqu'il transcrit en grec le nom sémitique Qart Hadasht, la "Ville nouvelle".

            En fait, on n'a trouvé jusqu'ici aucun objet qui puisse remonter au-delà du VIIIe siècle. On peut donc tenir pour certain que, vers 750, des Phéniciens se sont établis dans une péninsule bordée par le golfe de Tunis à l'est, et par des lagunes au nord et au sud. Endroit stratégique sur la route qui relie Tyr et Sidon aux possessions espagnoles des Phéniciens. Quant à la mort tragique de Didon, elle a pu avoir pour origine un mythe selon lequel le roi (ou la reine) se donne la mort pour sauver son peuple ou — en cas de crise grave — en autopunition. On en connaît au moins un exemple: en 480 av. J.-C., après la victoire grecque d'Himère, le roi carthaginois Hamilcar se jette dans le bûcher.

            Les deux siècles qui suivent la fondation historique de Carthage sont obscurs. Vers 530 vient au pouvoir une dynastie, celle des Magonides, dont le fondateur, Magon, est à l'origine de l'impérialisme punique. Dès lors, Carthage mène une politique de conquête (voir chronologie) en Sardaigne, en Corse, en Sicile, luttant avec ses concurrents méditerranéens, les Grecs, les Étrusques et, bientôt, les Romains. Les Magonides gardèrent le pouvoir plus d'un siècle et demi. Leur succéda, vers 380, une aristocratie de grandes familles qui gouvernent à l'ombre d'un pouvoir royal qui n'est plus qu'un nom.

 

HANNIBAL, OU LE TEMPS DE LA CONQUÊTE

            Dès lors, Carthage va tenter, avec un bonheur inégal, de conforter et d'agrandir ses possessions maritimes. Terriblement affectée par le débarquement des Siciliens, en 310, elle décide alors de se tourner contre ses voisins africains et commence à s'y tailler un empire. Parallèlement, entre 307 et 264, au renforcement du parti aristocratique qui voit toujours d'un mauvais œil l'émergence d'un chef de guerre, susceptible de lui ravir le pouvoir. Justement, la conquête punique se heurte aux toutes neuves ambitions romaines en Sicile. Rome, qui a conquis le territoire italien, va se lancer dans son premier conflit qui ne soit pas local.

            Elle va y forger une armée, créer une flotte, jeter les bases d'un empire. Pour contrer Rome, un chef se dresse, Hamilcar Barca, dont on a besoin, mais auquel on mesure chichement un appui. La paix revenue, Hamilcar décide de reconstruire l'empire punique, mis à mal en Sicile, en Espagne. Moyen de fournir Carthage en minerais dont elle a besoin et d'établir face à Rome un bastion menaçant.

            La suite est bien connue. Rome poursuit sa politique de grignotage, annexe la Corse, puis la Sardaigne; Hamilcar, puis Hannibal vont faire de l'Espagne une base d'opérations contre Rome. Pendant plus de dix ans, de 218 à 206, ce dernier porte la guerre sur le territoire romain, s'aventurant même jusqu'aux portes de Rome. Mais l'aristocratie carthaginoise se méfie, presque autant que des Romains, du général vainqueur, qu'elle rappelle finalement en Afrique. La défaite punique laisse la cité exsangue et en proie aux querelles intestines. Hannibal doit s'exiler; il mourra — ironie du sort — la même année que Scipion, son adversaire. Mais Rome ne peut supporter une rivale encore vigoureuse quoique vaincue. Sous un vain prétexte, une troisième guerre est déclarée en 150. Elle se termine, au bout d'un siège long et sanglant, par la destruction totale de Carthage et la déportation des survivants loin de la cité-martyre.

        Mais Carthage va bientôt renaître de ses cendres. Malgré l'anathème jeté sur la ville, un réformateur romain, Caius Gracchus, veut y installer une colonie de pauvres gens. Il se heurte à la forte résistance du sénat, qui le fait assassiner et laisse, dès 122, une petite colonie qui survit comme elle peut, maigrement installée sur une partie de l'ancien site de Carthage. Un siècle plus tard, après intervention de César, puis d'Auguste, la colonie romaine de Carthage voit officiellement le jour; elle est construite autour de l'actuel village de La Malga. En 29, elle devient la capitale de l'Afrique romaine, va bientôt égaler, voire dépasser, Rome en splendeur et comptera jusqu'à 300 000 habitants. Siècles de paix, de grandeur et de somptuosité. Les monuments abondent. Rien n'est trop beau pour Carthage: aqueduc de 130 kilomètres de long, magnifiques thermes, encore visibles aujourd'hui. Capitale intellectuelle de l'Afrique, ses écoles  sont célèbres et engendrent rhéteurs, avocats, grammairiens, écrivains, dont le célèbre Apulée

      Mais c'est le christianisme qui, sur le terreau africain, trouve un terrain favorable. L'église d'Afrique croît et se multiplie, elle a ses premiers écrivains, Minucius Felix, Tertullien; ses premiers Pères, Cyprien, Augustin; et ses premiers martyrs aussi, au début du IIIe siècle.

            Aux siècles suivants, des luttes politiques puis religieuses affaiblissent l'Afrique romaine. Carthage, refuge des Romains qui fuient, en 410, Rome prise par Alaric, tombe, comme un fruit mûr, en 439, sous les coups du Vandale Genséric. Celui-ci, en 455, s’empare de Rome, lors d’un raid sanglant. Serait-on en présence d’une 4ème Guerre punique ? Carthage, reconquise en 533 par les Byzantins,   est entièrement détruite par le conquérant arabe Hassan Ibn Noman, en 696. Tunis, fondée à proximité, la remplace comme capitale. Jusqu'à la conquête turque de 1574, le pays sera dominé par les Aghlabides (800-909), les Fatimides et les Zirides (909-1159), les Almohades (1159-1230) et les Hafcides (1259-1574).

            Mais ceci est une autre histoire …

Salammbô   (1862)

 

     «  Peu de gens devineront combien il a fallu être triste pour entreprendre de ressusciter Carthage ! C’est là une Thébaïde où le dégoût de la vie moderne m’a poussé. » C’est ainsi que Gustave Flaubert (1821 – 1880) annonce, le 29 novembre 1859, son projet à Ernest Feydeau, le même qui inspira – on l’a vu – Gautier. En fait, il remonte bien plus loin, à cette année 1850, où il voyage en Egypte, avec son ami Du Camp. Un « conte égyptien (lui) trotte dans la tête » : Anubis ou l’histoire d’un amour impossible. La rédaction de Madame Bovary va l’épuiser : « cette cohabitation morale avec des bourgeois me tourne sur le cœur et m’épuise. Je sens le besoin de vivre dans des milieux plus propres (…). Il est temps que je m’amuse (…) C’est pourquoi je me perds, tant que je peux, dans l’Antiquité. » Annoncé depuis 1857, maintes fois retardé après son voyage à Carthage en 1858, le roman est repris de fond en comble à partir de juillet 1858.

Primitivement, il devait s’appeler Les Mercenaires, puis il se transforme en  Salammbô, roman carthaginois, enfin il s’intitule Salammbô. Le nom même de l’héroïne a considérablement varié : Pyra, Pyrrha, Hanna, Salambô (avec un seul M). Avant d’aboutir au titre final dont le sens, voulu par l’écrivain par l’ajout d’un second M (qui oblige à prononcer SALAMM), renvoie à la fois à Emma Bovary – ce que comprendra fort bien Sainte – Beuve dan sa critique du roman – et à la formule orientale Salamm qui est une sorte de salut. C’est donc une façon de saluer Emma Bovary à laquelle Salammbô emprunte bien des traits mais en même temps de dire adieu – pour un temps du moins – à la forme réaliste romanesque qui avait été jusque-là celle de Flaubert, pour aborder un style baroque et flamboyant. Soutenu par « un travail archéologique formidable » (« J’ai une indigestion de bouquins. Je rote de l’in-folio (…) Savez-vous combien je me suis ingurgité de volumes sur Carthage ? Environ 100 »).

       Il est vrai que le coup d’envoi archéologique a débuté, pour Carthage, en 1833. C.T. Falbe, consul général du Danemark à Tunis, dresse une carte archéologique de Carthage qui accompagne ses Recherches sur l’emplacement de Carthage. Quatre ans plus tard on crée une « Société pour l’exploration de Carthage », dont le président, Dureau de la Malle, avait publié, en 1835, des Recherches sur la typographie de Carthage. Dès 1859, Charles-Ernest Beulé, « l’inventeur » des Propylées de l’Acropole d’Athènes, avait donné le coup d’envoi de la résurrection de Carthage. Bientôt Edmond de Sainte-Marie découvre 2000 stèles puniques dont un grand nombre gît encore devant Toulon par suite du naufrage du navire qui les rapportait en France. Ernest Renan fait, de 1860 à 1861, une mission d’exploration en Phénicie. On peut imaginer que la création, en 1885, d’un service des Antiquités à Carthage, a quelque dette au retentissement du roman de Flaubert !

          En écrivant son roman, Flaubert a voulu, comme il l’écrit à Sainte-Beuve, « fixer un mirage ». Mais ce  mirage, il n’a pu lui donner forme qu’en « appliquant à l’Antiquité les procédés du roman moderne ». Roman historique ? Roman archéologique ? «  Roman antique », le terme est de l’écrivain lui-même ? Roman réaliste même ? « Roman carthaginois », voire ? Flaubert sait bien que « si le roman est aussi embêtant qu’un bouquin scientifique, bonsoir, il n’y a plus d’Art. » Voila pourquoi le formidable travail archéologique, théorique et pratique, sur le terrain, à Carthage, auquel s’est livré l’écrivain, ne vise pas à une vérité, impossible, du moins à l’époque, à atteindre. Il s’agit surtout de « faire vrai », de créer une « illusion » de réalité, bref d’aboutir à cet effet de réel, au sens où l’entendra Barthes, un siècle plus tard.

     Cette Antiquité punique, dont le visage barbare, tranche avec celui plus policé de la grecque ou de la romaine, se veut comme une provocation lancée à la face de la société gourmée du temps de Flaubert. Ne déclare- t-il pas lui-même : « Salammbô 1°embêtera les bourgeois, c’est-à-dire tout le monde ; 2°révoltera les nerfs et le cœur des personnes sensibles ; 3° irritera les archéologues ; 4° semblera inintelligible aux dames ; 5°me fera passer pour pédéraste anthropophage ? Espérons-le » (Lettre à E. Feydeau, octobre 1862). Mais là ne se situe pas la scandaleuse nouveauté du roman. Les moments sadiques (la fameuse « grillade des moutards ») ne font plus frémir et la version définitive a émoussé les audaces érotiques (la « baisade sous le péplos »).

          C’est sur le plan de l’écriture, dans le choix du vocabulaire, dans les hardiesses de la forme, cette forme poétique appliquée au romanesque. Ajoutons que s’intéresser à « une civilisation perdue, anéantie ; un pays de ruines » - les mots sont de Sainte-Beuve, c’est relever un défi : « Ce n’est pas une petite ambition que de vouloir entrer dans le cœur des hommes quand ces hommes ont vécu  il y a plus de deux mille ans et dans une civilisation qui n’a rien d’analogue avec la nôtre. »  On croirait lire la préface des Derniers Jours de Pompéi ou retrouver  les mots de l’ami Gautier, qui avait joué un si mauvais tour à Flaubert ! Ne lui avait-il pas chipé cette Egypte qui l’avait tant fait rêver et dont on retrouvera quelques traces dans son roman ?

        Le roman de Flaubert lança une véritable mode : on rêva de Salammbô, comme on le fera plus tard d’Antinéa, l’héroïne du roman de Pierre Benoît (1886 – 1962), L’Atlantide(1918). La parodie, la musique, plus tard le cinéma   en firent une héroïne nationale. 

Enfin, après ces belles lectures, prenez connaisance des futurs événements

autour de Rome et Carthage lors des G.J.R.

RDV aux Grands Jeux Romains, avec

dès le mercredi 29 avril, à 19h,

une CENA ROMANA au collège Feuchères.

le vendredi 1er mai à 21h30 dans les arènes la projection de GLADIATOR, péplum présenté

par Claude Aziza.

(5 euros la place, à ce que l'on m'a dit)

le samedi 2 et le dimanche 3 mai, la participation de CARPEFEUCH au défilé du matin , à la cérémonie impériale, dans les Jardins de la Fontaine, puis l’après-midi,  la figuration de CARPEFEUCH dans le spectacle des Arènes.

le dimanche 3 mai à 10h30 la présentation du film HANNIBALpar Claude Aziza, au Musée Archéologique. Ce moment de cinéma sera suivi d'un autre moment de partage : le BRUNCH CARTHAGINOIS.

Que du bonheur à l'Antique ! A ne pas manquer !

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